SARKOZY, L'ANTI-AFRICAIN
J’ai envie de faire un bilan, forcément provisoire, de la tournée africaine de Sarkozy en juillet.
Déjà, le soir de son élection, le 6 mai, j’avais été frappé , intéressé même, par la vision qu’il affichait alors. Par exemple : «Je veux lancer un appel à tous les Africains, …je veux leur dire que nous allons décider ensemble d'une politique d'immigration maîtrisée et d'une politique de développement». Encourageant.
En juillet, surfant sur l’affaire des infirmières bulgares, le voila qui s’envole pour Tripoli, puis pour Dakar , et finit chez Bongo au Gabon. Son discours , qualifié de « discours de Dakar », devant un amphi rempli d’étudiants, surtout sénégalais, et de nombreux observateurs, sonnait très fort, et proclamait une vision qui se voulait novatrice, moderne, en rupture avec le discours de ses prédécesseurs. regardons de plus près.
Par exemple sur la repentance : « Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères. Jeunes d'Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. »
Ou encore sur l’immobilisme des Africains : « L'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Jamais l'homme africain ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter et d'épouser sa propre histoire. »
Sur la repentance, on peut se poser des questions. Il est important que le passé colonial reste dans les mémoires, dans la mémoire, qu’il y soit entretenu, qu’il reste vivant.. La mémoire et la repentance, ce sont deux aspects différents. En rejetant la repentance, Nicolas SARKOZY cherche, par un glissement de sens, à rejeter aussi la mémoire, le souvenir : ambition révisionniste qui vise à influencer conscience populaire et historiens afin qu’on « oublie ».
Sur la soi-disant « immobilité » des africains, sur leur « incapacité à entrer dans l’histoire », il faut remettre une fois de plus les pendules à l’heure.
Etaient-ils immobiles, les Africains qui sont venus servir dans l’armée française dans les deux guerres du siècle précédent ? Ceux qui sont venus construire nos routes, nos autoroutes, nos HLM, nos voitures, durant les « trente glorieuses », à coups d’immigration massive ?
Etaient-ils immobiles, ces leaders africains : Sylvanus OLYMPIO, Président du TOGO, assassiné en 1963 ; Jean Hilaire AUBAME, chef d’Etat du GABON destitué et assassiné par l’armée française en 1964 ; Mehdi BEN BARKA, principal opposant marocain au roi HASSAN II, assassiné en 1965 à PARIS ; Thomas SANKARA, Président du BURKINA, assassiné en 1987 sur ordre de HOUPHOUET BOIGNY et de la France (CHIRAC et MITTERAND) ; et combien d’autres…
N’oublions pas que François Xavier VERSCHAVE a écrit, jamais démenti, que toutes les guerres récentes en Afrique, du BIAFRA (1963) au RWANDA (1994), ont été conduites sur ordre de la France et la plupart du temps, son active complicité.
Avant donc de critiquer l’immobilisme des Africains, arrêtons de casser les jambes qui leur permettent de marcher.
Henri RM21